dimanche 20 avril 2008

Un nuage obscur venu d'ailleurs...



Le Troisième problème.

Chaque hiver, d'octobre à mai, se forme au-dessus de l'Asie du Sud et de l'océan indien un nuage de en suspension de 3 Km d'épaisseur et de 10 millions de Km2 (l'équivalent de la surface des Etats-Unis!). A la fin de l'hiver, l'inversion des vents repousse la brume vers le continent, où elle stagne jusqu'à être lessivée par les moussons d'été. Ce nuage, baptisé "Brown Haze", constitue le plus grand phénomène de pollution au monde. Il est constitué d'aérosols (particules solides ou liquides), contenant toutes sortes de polluants: suie, soufre, oxydes de carbone ou d'azote, ozone, végétaux, etc. Ces polluants sont générés par les brulis agricoles, la combustion du bois de feu, les transports et les activités industrielles. Les feux de forêts et de tourbières, comme ceux de Bornéo ou de Java, apportent occasionnellement mais massivement leur contribution d'aérosols.

Ce gigantesque nuage perturbe tout, globalement et régionalement

Sa première victime est le climat, sur deux modes antagonistes. En effet, d'un côté, les sulfates et les nitrates réfléchissent la lumière et refroidissent l'atmosphère, ce qui entraine une baisse de la température et, par la diminution de l'évaporation à la surface de l'océan, un affaiblissement des pluies apportées par les moussons. De l'autre, la suie absorbe la lumière solaire et réchauffe l'atmosphère, provoquant ainsi une augmentation de la température et des précipitations.
Des scientifiques ont montré que , si globalement le nuage avait un effet de refroidissement, régionalement son impact multipliait par deux le réchauffement induit par les gaz à effets de serre. D'après Verabhadran Ramanathan, de l'université de Californie, ce réchauffement pourrait expliquer la fonte des glaciers de l'Himalaya, réservoir d'eau des pays de la région asiatique, sur les dernière décennies.

La deuxième victime est l'économie de la région de l'Asie du Sud, qui compte aujourd'hui deux milliards d'habitants et dont le nombre devrait passer à cinq d'ici trente ans. La diminution des précipitations fait baisser le rendement du riz, gourmand en eau (ainsi, sans le nuage brun, les récoltes seraient supérieur de 10%). La baisse de la luminosité ralentit la croissance de tous les végétaux, ainsi que celle du phytoplancton, le premier maillon de la chaine alimentaire.

La troisième victime est la santé de la population, atteinte de la maladies respiratoires provoquées par les aérosols qui, chaque année, conduisent à la mort de dizaines de milliers de personnes. Les perturbations climatiques en Asie ne seraient peut-être qu'un avant-goût d'autres perturbations à venir sur la planète. En effet, d'autres nuages bruns apparaissent, moins spectaculaires certes, mais tout aussi nocifs, aux États-Unis, en Amazonie, en Afrique du sud, en Europe... Les nuages se déplaçant au gré des courants aériens, nul pays n'est à l'abri de ce phénomène. s'il est courant de voir des "smog" chinois, atteindre l'Amérique du nord, il est plus surprenant de voir la Crète, une île quasiment dépourvue d'industries polluantes, afficher un niveau d'ozone supérieur aux normes de l'Union européenne. Il est vrai d'Athènes n'est pas très éloignée, avec son Nefos(nuage noir), qui flotte en permanence au-dessus de la capitale la plus polluée d'Europe.

Les chercheurs commencent d'ailleurs à soupçonner ces nuages d'aérosols d'être responsables des sécheresses qui frappent de plus en plus les pays du pourtour méditerranéen. ils font également un rapprochement entre les "hivers volcaniques" et la refroidissement et la perte de productions agricoles occasionnés par ces sécheresses: l'explosion du Mont Pinatubo aux Philippines en 1991 avait refroidi la température de l'atmosphère de 0,5 °C, celle du Mont Tambora en indonésie en 1815 avait été suivie en 1816 d'une année sans été, à l'origine d'une famille exceptionnelle.

Le 3 octobre 2007, Ira Helfand, médecin urgentiste fondateur de l'association américain "Physicians for social responsibility" a présenté ses hypothèses sur l'éventualité d'une autre forme d'hiver: "l'hiver Nucléaire". En effet, une explosion nucléaire ne détruirait pas seulement des vies au niveau local ou régional.Helfand a calculé les conséquences d'une guerre nucléaire entre l'Inde et le Pakistan, en supposant l'utilisation de l'équivalent de cent fois la tête nucléaire qui détruisit Hiroshima. L'explosion enverrait dans l'atmosphère cinquante millions de tonnes de suie, réduisant pour plusieurs années de 1,25°C la température moyenne à la surface de la Terre. Helfand estime qu'au delà des morts directement provoquées par les radiations, un milliard de personnes pourraient mourir de famine, et que la pénurie de nourriture déclencherait des conflits armés, accompagnés d'épidémie de choléra ou de typhus, qui en tueraient d'autres centaines de millions.

Le même jour, Brian Toon, spécialiste de l'atmosphère présentait à la Royal Society of Medecine un autre effet dévastateur d'une telle explosion nucléaire: le réchauffement de la stratosphère par la fumée, qui accélérerait les réactions chimiques naturelles qui attaquent l'ozone, lui faisant perdre 30 à 40% de son épaisseur et conduisant à la destruction supplémentaire d'une partie des récolte de la planète.

Les citoyens de la planète savent-ils que leurs dirigeants politiques, s'ils appuyaient "sur le bouton", ne détruiraient pas seulement leurs ennemis, mais qu'ils mettraient en grand danger leurs amis et eux-mêmes ?


Ainsi par effet Boomerang, les matières plastiques devenues irremplaçables et omniprésentes dans notre vie quotidienne, détérioreraient notre santé. Les substances minérales indispensables à la fabrication de nos équipements de haute technologie viendraient à manquer. et les particules polluantes que nous envoyons dans l'atmosphère, à partir de la combustion du bois; du pétrole ou du charbon, seraient une source de dérèglements climatiques. Trois raisons, parmi d'autres, de ne pas se limiter à la lutte contre les gaz à effet de serre.
AU contraire il est urgent de considérer l'ensemble des déséquilibres que nous tous, et au premier chef des pays industrialisés, infligeons à la planète, et d'y porter remède. Faute de quoi, la lutte contre le réchauffement climatique deviendrait l'arbre qui cache la forêt de problèmes de durabilité sur la planète.

Source: Dominique Viel
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